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NOTRE ANCRAGE

 

Je crois que nous avons beaucoup de mal pour changer quelque chose dans notre vie, en général.

C’est ce qui peut expliquer par exemple pourquoi nous pouvons trouver « génial » un endroit, une bourgade, un lieu dit (par exemple le nouveau lopin de terre où Bloom a décidé de vivre !) qui ne présente pourtant aucun intérêt en le traversant en voiture.

C’est également ce qu’il se passe quand vous êtes amenés à faire découvrir vos propres univers d’enfant à quelques proches…

Pour prendre un exemple qui me concerne, un de ceux-là est un petit endroit très cocasse où je passais plus de trois mois de vacances, chaque année avec mes grands-parents. Pour moi cet endroit particulier est plus qu’important : il est déterminant de ce que je suis devenu en partie plus tard, grâce à lui. Mais en regardant affectueusement mes intimes qui font tout ce qu’ils peuvent pour s’émerveiller de « mon endroit », je dois me rendre à l’évidence et constater que cet endroit ne leur fait rien du tout. Ils peuvent juste se moquer gentiment de moi et des trois maisons, à moitié délabrées qui se battent en duel dans ce petit bled paumé où se trouve le berceau de mon enfance !!!

Si je me fais bien comprendre, chacun a son lieu dit, son lopin de terre bien à soi… mais personne d’autre ou presque ne pourra apprécier avec soi-même cet endroit dont il est question au plus profond de son être. C’est ainsi et rien ne peut vraiment changer cet état de fait.

Comme j’ai pu l’entendre dans des interviews, Jacques Brel et Georges Simenon (comme tant d’autres) s’accordent à penser que la plupart de nos constructions intérieures se font en chacun de nous de 0 à 16 ans !!!

Certes nous avons chacun de toute façon des aptitudes pour absorber tel ou tel élément, plutôt que tel autre, mais je pense qu’une bonne partie de notre personne est déjà « programmée » ou « préprogrammée ».

C’est un sentiment que j’ai depuis fort longtemps. Il vaut ce qu’il vaut, bien entendu.

Ainsi les magiciens que nous rencontrons ne nous apportent pas tant de réelles informations nouvelles ou un nouvel élan, une nouvelle inspiration… Ils nous permettent plutôt de nous connecter à nos propres attentes inconnues de nous-mêmes auparavant mais pourtant déjà bien présentes.

Nos rencontres magiques sont ainsi plus des catalyseurs inconscients que des guides : elles nous révèlent plus qu’elles nous transforment.

Si nous acceptons ma pensée pour quelques secondes (histoire d’essayer de me comprendre jusqu’au bout !), nous sommes donc victimes de nos « ancrages » au début de notre vie (de 0 à 16 ans).

DSCF0051  

Par exemple, si nous avons vu un « gros-gros-gros-gros-mauvais-qui-faisait-de-la-magie » dans cette période… hé bien tout en étant soi-disant « vacciné » de la magie à cause de cette mauvaise expérience, nous aurons tendance à proposer une magie qui ressemble à celle qui nous a pourtant « gavés » d’entrée de jeu !!!

Voici une image différente pour tenter de me faire mieux comprendre : vous êtes victimes souvent, en allant dans un café quelconque, d’erreur dans la commande que vous passez. Votre habitude est de prendre par exemple un Coca Cola et on vous sert fréquemment un Coca Light !!! Observez votre manière de procéder pour obtenir votre Coca. La peur de ne pas vous faire comprendre, votre frustration d’avoir encore le mauvais Coca, vous a donné l’habitude de dire à peu près ceci au garçon de café : « Je voudrais un Coca s’il-vous-plait, mais pas un « Light », pas un « Coca light », je n’aime pas le « Light »… » Vous aurez alors toutes les chances que le garçon vous apporte un Coca Light car sa mémoire de votre commande est entachée du nombre de fois important que vous avez formulé le nom « Coca Light », alors que vous attendez un Coca Cola tout bête que vous désespérez obtenir !!!

De même, si dans notre enfance nous voyons un mauvais numéro de magie à base de techniques d’un haut niveau effectuées de « bas niveau » ( !), nous aurons tendance plus tard à choisir des techniques de haut vol, effectuées comme un cochon. Voilà ce que je veux dire, schématiquement, bien entendu.

Cela étant dit, il ne faut pas confondre ni mélanger non plus les notions.

Tout reste possible.

Chacun apporte dans sa vie des choses nouvelles et différentes de ce qu’il a ingurgité souvent contre son propre désir.

Par exemple, un jeune enfant qui aimera plus tard la montagne fut influencé dans sa prime jeunesse par le fait que ses parents l’ont amené chaque année y passer ses vacances. Par contre, l’adulte qu’il est devenu sera peut-être très féru d’escalade, alors que ses proches détestaient ce sport !!! Il a apporté un plus, inconsciemment, mais toujours à la montagne, non ?

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Dominique Duvivier

♣️ Magicien. ♦️ Maître de l’art du #CloseUp. ♥️ Créateur de tours et professeur. ♠️ Fondateur @ledoublefond et directeur de Mayette Magie.

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5 commentaires

  1. Bonjour,
    je suis votre blog depuis déjà un petit bout de temps (passion oblige 🙂 ) et je me lance dans un exercice dont je suis peu coutumier en espérant ne pas trop vous ennuyer…
    Je relie vos deux derniers messages « notre ancrage » et « nous avons tous le don de créer. »
    Je pense qu’effectivement nous naissons tous avec bien plus de possibilités (potentialités)que nous n’en exprimons dans notre parcours. Je vais même jusqu’à penser que nous nous appauvrissons tout au long de notre vie en n’entraînant pas tout ce que nous sommes capables de faire.
    Ceci se relie à « notre ancrage » : nous naissons avec des potentialités, nous rencontrons nos parents (ou celles et ceux qui acceptent de tenir ce rôle), puis le milieu scolaire, les amis, les fréquentations associatives puis professionnelles. Toutes ces rencontres agissent sur nous, nos possibilités, nos désirs : elles façonnent plus ou moins inconsciemment ce que nous désirerons, ce que nous nous interdirons (là aussi plus ou moins consciemment), ce que nous détournerons de nos envies (pas toujours en accord avec les principes que nous avons fait nôtre) pour tout de même trouver une satisfaction.
    Pour relier tout ceci au monde magique, une métaphore : nous naissons tous avec un jeu en main, la suite dépend du fait que ce jeu n’est pas le même pour tous, que le nombre de cartes fluctue pendant notre vie au gré des rencontres et des événements, qu’on joue avec d’autres personnes mais pas toujours avec les mêmes règles. Cependant il apparaît vite que le meilleur parti à prendre, si cette métaphore est assez proche de la réalité, est de construire la surprise, une nouvelle réalité avec notre jeu, bref de créer. Alors je pense que certes notre ancrage nous aura donnez beaucoup et aussi enfermé à notre insu, mais en créant, nous nous créons notre place, celle qui fait pour chacun de nous notre originalité et le cercle de celles et ceux qui nous accompagne dans notre vie (ceci au sens très élargi).
    Il reste cependant une question : existe-t-il un élément déterminant qui nous permettre de passer de ntore ancrage à la création et ainsi de nous installer dans une place qui ne soit pas uniquement celle des autres ? Peut-être ces quelques réflexions nous permettront-elles d’échanger. Cordialement. Bruno L.

  2. Je suis d’accord avec vous ! Cependant, en effet, heureusement que tout reste possible ! C’est un sujet intéressant que vous soulevez là…

  3. Réponse à Bruno L
    Je ne prétendrais pas savoir s’il existe une solution.
    Je suis un chercheur dans un domaine précis, comme chacun le sait. Dans cet axe de recherche, je ne fais souvent que penser tout haut, je propose des idées, des solutions à des problèmes magiques. Mais je ne prétends rien. Je voulais le préciser une bonne fois pour qu’il n’y ait pas d’ambiguïté sur mes intentions profondes.
    Lorsque je pars sur une idée, j’affirme des choses, partant d’un postulat. Point.
    Je crois qu’il n’est pas simple de se faire une place au soleil de la création. Pour appuyer ces dires, nous entendons sans cesse par exemple, et c’est parfois fondé, que d’autres ont pensé avant nous à tout ce qu’on pourra imaginer dans nos rêves les plus fous !
    Des empêcheurs de tourner en rond s’ingénieront même à nous prouver que vous ne pouvez rien inventer par ce que c’est comme ça, voilà !
    Pas aisé, dans ces conditions de croire que tout est possible encore pour quelques siècles !
    Je dirais que ces difficultés de base sont là comme pour tracer une grande ligne entre ceux qui savent que le savoir est quelque chose d’intouchable et ceux qui croient que le savoir se renouvelle de lui-même sans cesse.
    Depuis que je suis né, des magiciens me contestent mes créations allant jusqu’à dire dans certains cas qu’on ne peut rien inventer car tout l’a été avant moi ! Vous lisez bien. Un grand artiste de la magie m’a dit cela il y a quelques décennies.
    On m’a dit que l’Imprimerie n’était pas un tour commercial et qu’il ne se vendrait jamais.
    Mon style, mon jeu, la comédie que j’apporte dans mes prestations ressemblaient « à du sous Coluche inférieur ».
    Si je devais citer toutes les critiques à mon encontre, vous auriez envie, après avoir ri aux éclats, de vous pendre, tellement les critiques sont incroyables et coupent l’envie de mettre les pieds dans ce monde merveilleux de la magie !
    Si je cite ces dernières réflexions c’est pour éclairer le sujet qui nous occupe.
    En effet, on peut, inconsciemment, se fermer des portes. Influencé par les redresseurs de pensées, les soi-disant « référenceurs » fous qui parsèment l’Internet et les sourciers sur bouquins qui assènent des références, oubliant parfois sciemment certaines informations pour corroborer leurs assertions !
    Autant d’embûches qui peuvent rebuter le créateur en herbe que nous sommes au départ de notre envol magique.
    De quoi rebuter, voire dégoûter au point de penser que rien n’est possible pour aller de l’avant dans le domaine qui nous occupe…
    Et puis, Dieu merci, il y a la « niak », la détermination maladive, l’expression « s’il n’en reste qu’un je serai celui-là ». Si la magie est un art, pourquoi ne pas croire que tout peut sans cesse bouger, avancer… être au balbutiement comme le cinéma muet qui 100 ans plus tôt était un divertissement pour une certaine catégorie d’individus mais pas encore devenu un art, le septième art…Alors pourquoi pas la magie comme un 8ème, 9ème ou 10ème art ? (Je ratisse large pour éviter qu’on me dise « mais il y a déjà bidule en 8 ou machin en 9 »).
    En gros et pour faire simple on peut sortir du carcan de nos racines si on ne pense pas trop que la chose est impossible.
    Le besoin viscéral de créer prouve que tout n’existe pas, à l’évidence.
    Nous approfondirons si vous le souhaitez une autre fois.
    Bonne recherche.
    Amitié.
    Dominique

  4. Merci pour cette intéressante piste de réflexion…
    Si on l’applique à l’idée d’améliorer un spectacle, cet exemple du ‘lieu d’enfance’ est très intéressant :
    En effet, on voit difficilement comment faire partager SON lieu d’enfance à un public, qui peut certes le recevoir de l’extérieur, comme une description ou une transmission d’expérience, mais qui restera toujours, comme vous le dites, étranger à notre lieu.
    Par contre, et c’est ce que j’ai ressentit quand vous avez parlé de votre lieu d’enfance, le concept même de lieu d’ancrage est commun à tous.
    Cela à immédiatement fait revenir l’écho de mes propres lieux secrets, et les souvenirs associés.
    Donc, hormis le fait de parler de son propre lieu, le fait de parler de ce type de lieu ou l’on a un vécu idéalisé par le temps peut très facilement évoquer pour chaque spectateur SON propre lieu.
    Et par ce processus, créer une émotion, qui n’est pas celle que l’artiste cherche à partager, mais celle du spectateur concernant sa propre expérience, que l’on fait remonter à la surface, par ce jeu de souvenirs.
    L’intérêt est bien sur qu’une émotion déjà présente dans le spectateur sera infiniment plus forte qu’une émotion appliquée de l’extérieur : il faut du temps pour intégrer une émotion pleinement.
    Et si on poursuit :
    Il faudrait savoir doser la proportion entre ce que l’on apporte de l’extérieur (pour contrôler le spectacle, et que le cela ne devienne pas une simple rêverie de chaque spectateur) et ce que l’on va chercher dans les souvenirs du public, pour optimiser l’impact.
    Une autre piste de recherche, déjà explorée par beaucoup, bien entendu, est de trouver les émotions et souvenirs utilisables, c’est-à-dire présentes chez la majorité des gens, de façon a pouvoir arroser un large public.
    L’enfance et ses expériences est un choix.
    Les doutes existentiels, à faible dose, peuvent en être un autre.
    Le sentiment d’injustice (s’il n’est pas trop précisé, car si tout le monde à connu des choses vécues comme des injustices, les expériences ont put être très diverses…)
    L’amour.
    Etc.
    Bref, je suis en train de refaire la liste des thèmes qu’utilisent les spectacles depuis la nuit des temps… 😉
    Mais tous ces thèmes sont-ils exploités en illusionnisme ?
    Mieux, je me hasarderai bien à penser que plus un souvenir est commun au plus grand nombre, plus il est fort pour cette utilisation, ne serais ce que par le fait que les spectateurs pourront l’expérimenter ensembles, et donc partager.
    Merci donc pour ces idées à creuser…
    Gilbus.

  5. Bonjour Dominique
    Cet article m’évoque une parabole ecrite il y a quelques temps .
    Elle traite de la formation des personnalités, du style, mais plus largement de la creation : notre creation personnelle.
    (nous avions meme travaillé une routine à partir de ce texte )
    Merci pour tous les cailloux blancs que tu nous donnes.
    Amities
    —————————————–
    Parabole des cailloux blancs et des cailloux noirs
    Quand nous sommes nés, nos parents nous ont donné un petit panier dans lequel il y avait des cailloux noirs et des cailloux blancs.
    – Les cailloux blancs nous correspondaient parfaitement car ils faisaient partie intégrante de notre personnalité naissante.
    – Alors que les cailloux noirs ne nous convenaient pas du tout, ou déjà annonçaient qu’il fallait les jeter au plus vite.
    Le but de la vie consiste, pour chacun de nous, à conserver les cailloux blancs, et à se débarrasser des cailloux noirs.
    Ca c’est le principe de base.
    Mais si on veut aller plus loin :
    – Apprendre à accepter les cailloux blancs que l’on vous offre n’est pas toujours chose facile.
    Il faut pourtant avoir cette aptitude, même si c’est parfois difficile.
    Mais ensuite, quel bonheur de les avoir dans son panier.
    – Il est parfois également très difficile de se séparer de certains cailloux noirs ( il faut les lancer très loin)
    Car on a peur de laisser trop de place dans le panier et ne pas avoir assez de cailloux blancs pour les remplacer.
    (Un conseil: acceptez ceux qu’on vous donne !)
    – Apprendre à refuser les cailloux noirs qu’on voudrait mettre de force dans votre panier.
    C’est un apprentissage difficile également, mais il est très payant car il laisse de la place pour les cailloux blancs que l’on vous offrira par la suite. (-ou que vous demanderez- )
    -Vous constaterez certainement que certains cailloux sont plus difficiles à jeter que d’autres,
    ………………………..et plus tard, peut être, vous comprendrez pourquoi.
    Il faut du temps pour constituer le panier idéal.
    -Vous constaterez également que certains cailloux blancs sont plus difficiles à accepter que d’autres,
    ………………………et plus tard, peut être, vous comprendrez pourquoi.
    – Peut être vous autoriserez vous à demander des cailloux qui vous seront nécessaire.
    Certains n’attendent que votre demande pour pouvoir vous les offrir.
    Le panier idéal n’existe pas : il est différent pour chacun de nous, et il évolue au cours de notre vie.
    Le caillou qui vous était indispensable peut devenir superflu,
    et vous ne pourrez plus vous passer de celui que vous jugiez en trop.
    Regardez souvent les cailloux de votre panier, et demandez vous ceux qui vous sont vraiment indispensables au quotidien.
    Peu de cailloux sont la base d’une vie pleine.
    S’ils sont noirs majoritairement, il est temps d’agir rapidement.
    S’ils sont blancs majoritairement, c’est que votre vie est belle.
    Accepterez vous ce caillou BLANC aujourd’hui ?

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