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Raconter une histoire…

Si votre texte de présentation d’un tour consiste uniquement à décrire ce qu’il se passe aux yeux de tous, vous risquez de desservir votre magie bien plus qu’autre chose. Souvenez-vous de tous ces magiciens qui vous sortent leur texte bateau : « Je prends les cartes, je les mélange comme ceci et je les retourne… Je prends une carte au hasard et je la pose de côté, comme ceci… » : le seul intérêt semble vraiment être celui de fatiguer le spectateur avec des parasites verbaux ! Rien de tel pour dégoûter le spectateur de la magie… et de vous !

Bien sûr, il y a toujours une partie du texte que l’on peut considérer comme nécessaire, car elle est d’un intérêt strictement pratique (instructions au spectateur qui participe par exemple). C’est ce qui rend le travail délicat, car  on peut vite se retrouver dans le piège du texte parasite dont je parlais plus haut ! Cela dit, dès lors qu’on se creuse un peu la tête pour faire du bon travail, vous verrez qu’il est souvent inutile d’y avoir recours…

N’oublions jamais qu’un texte doit servir l’histoire qu’on raconte et que l’on doit être très attentif à ne pas dire des mots qui ne font qu’appuyer ce qui se voit. En soi, un texte ne peut pas servir un tour de magie, c’est l’histoire qui en est le support fondamental. Si vous regardez bien, tout est histoire dans la vie : dans les journaux, dans les livres, sur Internet, dans les films et même dans les biographies, tout est « histoire racontée », sous différentes formes (anecdotes, faits divers, récits, dialogues…). Le tour de magie n’échappe pas à cette règle et il serait funeste de l’oublier. Ce qui est essentiel c’est de ne pas se laisser aveugler par le fait qu’un effet magique raconte déjà naturellement une histoire, du moins en apparence ! Un effet magique n’est qu’un bout d’histoire, auquel il manque un solide plancher pour pouvoir l’exprimer pleinement : à vous de lui donner vie !

Il me semble important de préciser que le fait de raconter une histoire ne fait pas forcément de vous un « conteur » d’histoire : pas besoin de commencer par « il était une fois » ou bien d’appuyer sa narration sur une histoire drôle ! Raconter une histoire peut consister tout simplement à partager une tranche de vie. Par exemple, tout en parlant de choses et d’autres avec votre public (qui sera vite persuadé que vous lui parlez normalement), vous pouvez raconter que vous revenez d’un spectacle où vous avez vu un truc incroyable… et hop !… vous envoyez la sauce de votre tour ! Vous venez bien de raconter une histoire, sans être pour autant dans la position d’un conteur qui n’implique pas directement son auditoire.

En résumé, tout magicien est un raconteur d’histoires, au même titre qu’un cinéaste ou un romancier. Son support n’est pas la caméra ou un livre pour exprimer son histoire, mais la magie, au premier degré. C’est dans cet état d’esprit qu’il faut travailler. Et si vous comprenez bien cet état de fait, vous arriverez petit à petit à fondre vos effets magiques dans une histoire qui raconte un peu ou beaucoup la vie, qu’elle soit de fiction ou réelle.

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Dominique Duvivier

♣️ Magicien. ♦️ Maître de l’art du #CloseUp. ♥️ Créateur de tours et professeur. ♠️ Fondateur @ledoublefond et directeur de Mayette Magie.

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5 commentaires

  1. Ce matin, la neige m’a fait un cadeau d’une demi-heure pour boire mon café tranquille en lisant MA chronique préférée ;-)…avec encore des trucs précieux à mettre bien au chaud dans la besace..C’est vrai que ça va sans dire mais que c’est qd même mieux en le disant !
    Merci!
    Amitiés et bonne semaine.
    Cavaflar

  2. Assez d’accord aussi avec cela, mais au lieu de parler d’histoire, l’important n’est-il pas la motivation du tour, son introduction ; et ce afin de solliciter l’intérêt du spectateur, sans tomber comme tu le précise dans le : « il était une fois »….
    Je pense que tu illustres assez bien cela dans tes intimistes, tu ne racontes pas vraiment d’histoire, tu partages tes impressions, tu motives le tour, mais tu ne racontes pas vraiment une histoire si ce n’est l’hommage (colonne vertébrale du spectacle)

    Donc raconter une histoire ou plutôt motiver un effet, un tour, une routine … ?

    mes amitiés
    Carl Valentin

  3. Le danger est aussi celui de narrer du par coeur. J’ai pour habitude de poser pas mal de questions au spectateur (« est-ce que tu penses que ta carte puisse… »), je lui raconte quelque chose comme si je l’avais vraiment vécu (« Mon maître m’a appris à faire… Disparaître les pièces. »), ou j’essaie d’apprendre quelque chose au spectateur (« Je souhaiterais que tu tiennes cette carte, et maintenant, je vais manipuler. Top. Tu as vu ? Non ? Et pourtant… » ou « Tu veux que je t’explique ? En fait, certains disent que la pièce part dans les manches »)

    Car une belle histoire, si racontée, sera bien peu passionnante, non ?

  4. Cher Dominique Duvivier,

    Ce sont des choses qui paraissent évidentes mais qui sont pourtant difficiles à mettre en place, surtout lorsque l’on débute comme moi.
    J’ai eu l’occasion de regarder 200 fois Intimiste et je dois dire que grâce à cela mes mots ne suivent plus mes gestes ! Ce n’est pas automatique mais ce spectacle me fut d’une aide précieuse. Au delà des mots je dirais même que mes yeux ne suivent plus mes gestes non plus, chose aussi importante que le texte à mon avis.

    Merci de tout ce que vous apportez au monde de la magie, et merci pour ce que vous m’apportez !

    Bien cordialement
    Cédric

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