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Chers lecteurs,

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Cette semaine, voici quelques réponses à des questions intéressantes que vous m’avez posées ces derniers temps et auxquelles je n’avais pas encore pris le temps de répondre…

J’en profite pour vous remercier pour tous les commentaires que vous envoyez sans cesse sur ce blog : c’est un plaisir de lire vos réactions à chaque fois, même si je ne le vous dis pas toujours ! Ce blog prend des proportions phénoménales grâce à vous, qui le faites vivre. Cela dépasse toutes mes espérances !

Bonne lecture

Avec toute mon amitié

Dominique Duvivier

 Ohdaesu : « Le tour « Les salières », c’est tout simplement une tuerie dans tes mains, un véritable moment de magie et un hommage que, je pense beaucoup de magiciens aimeraient qu’on leur fassent, et dont Goshman doit être fier, extrêmement fier. A ce titre j’aimerais énormément voir « les salières » d’origines, saurais-tu où les trouver ? »

Tu parles des salières (l’objet) ou de la routine exécutée par son créateur ? Allez, je flambe : tu dois parler des salières, l’objet ! Je n’en possède pas d’originales. Jean (Merlin) en a, qu’Albert lui a donné lui-même. Il pourra te les montrer, si tu es sage et s’il est bien luné !

Dominique Rychel : « Puisque vous avez abordé le sujet des cartes Jerry’s Nugget, est-ce que je peux vous suggérer de nous raconter le pourquoi des « Morgan 1921″ ? En effet, pourquoi pas des pièces françaises en argent ? »

Si tu as suivi un peu mon parcours magique, tu as dû constater que j’ai beaucoup utilisé de pièces françaises en argent de 10 francs, notamment. Mais il est vrai que, depuis quelques années, j’utilise davantage ces fameuses « Morgan 1921 » que j’affectionne particulièrement. C’est lorsque j’ai commencé à bosser sérieusement avec les pièces fabriquées par Todd (Lassen) vers le début des années 2000, que celui-ci m’a fortement conseillé ces pièces mythiques. Comme j’étais assez « néophyte de ces pièces » à cette époque, je lui ai fait confiance, ainsi qu’à quelques amis proches comme Bob (Kohler) et Sébastien (Clergue) qui bossaient tous avec ces pièces-là. Et depuis je les adore. C’est leur grosseur, leur format et leur poids qui ont déterminé mon choix, mais aussi le fait qu’on puisse fabriquer avec elles des pièces « spéciales » assez facilement. J’aime bien « avoir » en main les pièces que je manipule, donc la taille des Morgan me correspond bien. Je ne comprends même plus comment j’ai pu travailler avec des demi-dollars à une époque !!!

Luis Lopez : « A l’heure où l’ACAN (Any Card Any Number) est à la mode (livres de Wild, Kaufman qui viennent de sortir ou sont sur le point de sortir) je me demandais quel était finalement votre point de vue sur ce tour : le considérez-vous, comme certains, comme l’effet ultime (le Saint Graal) ? »

Cela fait belle lurette qu’il n’y a plus pour moi  « d’effet ultime » en magie. Tout effet, tour, ou routine est ultime à un moment donné et devient presque ordinaire le moment d’après. C’est comme si tu demandais quel est mon tour préféré. Je n’en ai plus. En fait, bien souvent, c’est ma dernière création qui est ma préférée… du moment ! J’aime me trouver dans cette position, dans cette perspective-là, dans cette dynamique ! Cela me convient très bien, du moins pour l’instant… Cela dit j’aime beaucoup le principe de l’AAAAAAAAAAAACAN. Comme celui de «l’OOOOOOOOOOOOOOOOOOpen prediction, des Suivezzzzzzzzzzzzzzz le chef, des Collector’ssssssssssssssss et de dizaines d’autres familles d’effets qui continuent de me séduire, sans cesse. Pour chacun de ceux-ci, j’ai déjà imaginé tout un tas de solutions différentes tout au long de mes années de recherches magiques, mais je continue d’explorer toujours de nouvelles pistes personnelles et suis à l’écoute de celles des autres. Par exemple pour l’ACAN, j’aime bien La « Boris Wild’s touch » de ces derniers temps, mais je crois avoir trouvé encore plus pur tout récemment. En fait le chemin reste toujours ouvert et c’est ça qui est fabuleux ! Si tu en as l’occasion, viens d’ailleurs voir la dernière version de notre spectacle en duo avec Alexandra, tu y découvriras cette toute nouvelle interprétation de l’ACAN justement… Tu m’en diras des nouvelles ! Comme quoi j’aime bien l’effet…

Luis Lopez : « L’ACAN que vous aviez présenté m’était apparu comme une version réunissant toutes les conditions idéales, est-ce une version personnelle (je ne serai pas surpris que oui) ? Peu de choses ont été dites sur les forums à propos de votre version (il toujours plus facile de critiquer). »

Quelques personnes sur VM ont dit apprécier particulièrement ma version de l’AAAAAAAAAAACAN dans mon spectacle « Intimiste ultime ». Mais, tu as raison, je constate qu’il est assez rare qu’on me complimente en France sur mes réalisations. Enfin bon ! Il paraît que nul n’est prophète en son pays… Mais pour répondre à ta question, oui, c’est une version personnelle que je présentais dans ce spectacle et qui en a tué plus d’un !

Luis Lopez : « Quelles sont les conditions sur lesquelles vous ne voulez pas transiger (le jeu est à la vue du spectateur depuis le début, j’ai même le souvenir que les spectateurs le mélangeaient dans votre version, les cartes sont comptées par le spectateur, toutes les cartes peuvent être choisies ou montrées…). Bref j’aimerais avoir votre vision des choses sur ce tour. »

Je suis, en règle générale, assez exigeant avec moi-même et donc bien sûr avec les effets que je propose : je ne suis pas du genre à accepter les concessions… Cependant, dans mon processus de création, c’est un peu différent.. du moins en apparence ! En effet, pour commencer à créer un tour, je m’offre absolument toutes les possibilités : je n’en exclus aucune, je reste ouvert, je me donne une liberté totale. Ce n’est qu’après que mon exigence reprend le dessus, si je puis dire ! Mon travail consiste alors à éliminer pas à pas toutes les « fausses bonnes idées », jusqu’à obtenir la quintessence du tour souhaité, la forme qui me semble la plus parfaite… sur le moment ! Cette manière de procéder, qui consiste à partir du plus ordinaire pour évoluer ensuite petit à petit vers le plus pur, m’a toujours permis d’aller très loin. Difficile de décrire ce qu’il se passe mais c’est intéressant que tu me donnes l’occasion d’analyser les choses et surtout de tenter de vous les communiquer ! Par exemple, si je dois faire choisir une carte, j’imagine que je pars d’un jeu identique, puis très vite je m’aperçois que le choix est nul, MAIS, grâce au fait d’avoir fait choisir la carte que je désirais, j’ai pu aller plus loin dans le « pourquoi je faisais choisir une carte ». Une fois ma création au point et mon scénario bâti, je reviens aux sources et je tente de faire choisir la carte librement aussi, comme le reste de mon histoire. Désolé, je sais que cela doit être un peu confus pour certains, mais je répète que c’est loin d’être facile à expliquer !  Toujours est-il que c’est ainsi que j’ai cheminé pour un certain nombre de versions de cet effet ACAN qui te préoccupe plus qu’un autre ! Pour aller encore un peu plus loin dans l’analyse de ma « méthode de création », sache que je fais toujours en sorte que les actions vues et montrées soient le plus possible en harmonie avec le « parfait ». Mais cela ne veut pas dire que les conditions réunies sont réellement parfaites ! Je m’explique : je travaille énormément sur ce que le spectateur voit, sur ce qu’il perçoit et SURTOUT sur le souvenir qu’il se construit. J’ai découvert des pistes de travail pour obtenir un effet, une cohérence visuelle assez forte, une espèce de « parenthèse de l’oubli » différente, qui m’offre une liberté énorme… Je n’en dirai pas plus, car je préfère que vous y réfléchissiez par vous-même… Je vous conseille à tous de méditer là-dessus, cela pourrait vous aider beaucoup !

Luis Lopez : « Vous vous êtes penché sur beaucoup de tours ou accessoires classiques en y apportant souvent une amélioration et je demandais quel était votre point de vue sur l’outil que constitue le chapelet. Vous n’y faites pas souvent référence. Y avez-vous recours ? Ou à l’inverse, est-ce un outil qui n’est pas utile pour votre magie ? Existe-t-il un chapelet Duvivier comme il existe un chapelet Tamariz ? »

J’aime ce genre de questions. On m’a souvent demandé si je pratiquais le saut de coupe par exemple. Eh bien, j’espère en faire parfois que les spectateurs n’ont pas senti, ni même supposé, et encore moins imaginé, à la différence de beaucoup d’experts en cartes, à qui l’on dit : génial, ton saut de coupe ! Je crois que TOUT est utile en magie. Le chapelet notamment est bien sûr un « accessoire » génial. Mais il ne devient magique que lorsque les spectateurs n’auront pas senti que vous l’utilisez ! Sans critiquer, il arrive trop souvent, selon moi, que les tours à base de chapelet se sentent à cent kilomètres. Ma démarche est d’avoir trouvé des tours, des effets, des routines où le chapelet n’a pas de raison d’être apparente. Tout comme j’avais imaginé pour Gaëtan( Bloom) l’expression des « fils indirects » pour qualifier une partie de sa magie, tu vois ? J’ai travaillé sur des manières de trouver des effets où le chapelet peut servir mais de façon indécelable pour le spécialiste. Je parle bien sûr pour magiciens, car il est évident qu’un moldu ne sait rien sur nos pratiques souterraines ! Mais j’aime travailler vis-à-vis du magicien, car du coup ce qu’on obtient sera plus puissant sur le spectateur lambda ! Je n’ai pas inventé un « chapelet Duvivier » comme par exemple celui de Juan Tamariz, mais des chapelets pour des circonstances spécifiques !

Bertrand Gille : « Pouvez-vous détailler comment un détournement d’attention peut être « démodé » ? Comment vous, vous comprenez cela ? J’aurai en effet naïvement tendance à penser qu’un détournement d’attention est intemporel, qu’il est lié à la nature humaine plus qu’à un instant ou à une époque, non ? Un détournement d’attention utilise des reflexes humains contre lesquels un être normalement constitué ne peut quasiment pas lutter… Le croisements du regard et de la main, le grand mouvement qui cache le petit, la gestion des temps forts/temps faibles, etc.. (…) Le fait qu’un détournement d’attention puisse être « démodé » est-il lié à la vulgarisation des techniques sur lesquelles il s’appuie ? Est-ce que l’accès à la connaissance (qui ne veut pas dire maitrise de celle-ci) joue selon vous un rôle ? Dit autrement, « l’éducation » du public (éducation volontaire ou subie) est-elle source de remise en question, y compris dans le domaine des détournements d’attention ? »

Je vais te répondre brièvement par un exemple simple de détournement d’attention qui est évidemment démodé : on regarde vers le ciel et on montre du doigt une région du ciel en disant « regarde le bateau, là-haut ! ». Ce qui pouvait marcher à une époque plus ou moins lointaine ou dans un contexte donné, ne marche plus forcément maintenant, pour différentes raisons !

Ohdaesu : « Pour ta part quand considères-tu qu’une routine de ton crû est bonne … ? »

Alors là tu me poses une colle. Je suis un éternel insatisfait DONC, je ne crois jamais que le tour est bon. Quand l’échéance arrive et que je dois produire un show, je m’arrête de réfléchir et je mets le tour en répétition… Et le tour évolue encore du reste, car je ne peux pas m’en empêcher ! Je dois vraiment m’obliger à stopper ma réflexion, sinon je ne pourrai jamais rien présenter de concret ! Très difficile pour moi de me dire : c’est terminé, c’est bien comme ça, je peux présenter ce tour sous cette forme. Pourtant ça m’arrive parfois. J’arrive à me dire que c’est bien… mais cela ne dure jamais bien longtemps ! Mes proches pourraient t’en parler : je ne tiens pas en place. Je suis sans cesse en train de remodeler ci ou ça, remettre en question ce qui semblait « parfait » il y a quelque temps… Pour quelqu’un d’exigeant comme moi, la tentation est forte de rester sans cesse dans un processus de création et de ne pas « valider » les choses pour les présenter à un public. C’est là qu’il ne faut jamais oublier que l’art est d’abord une façon de communiquer : le but est de partager quelque chose avec un public, pas de rester dans sa tour d’ivoire ! Du moins, c’est ma vision des choses… Mais il faudra que je m’interroge plus pour répondre plus efficacement à ta question, une autre fois. Merci de m’avoir posé cette question.

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Dominique Duvivier

♣️ Magicien. ♦️ Maître de l’art du #CloseUp. ♥️ Créateur de tours et professeur. ♠️ Fondateur @ledoublefond et directeur de Mayette Magie.

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3 commentaires

  1. Dommage que l’un de vos prédécesseurs soit déjà nommé « le professeur », car en vous lisant chaque semaine, c’est vous que je qualifierais de « prof' » 😉
    Concernant la construction d’un tour ou l’invention d’un tour, combien de temps se passe-t-il entre le moment où vous avez une idée, où vous la travaillez et le moment où vous la présentez la première fois au public ? Et après les premières représentations, vous est-il arrivé de totalement reconsidéré un tour suite aux réactions (positives ou négatives) inattendues du public ? (par opposé au fait que c’est votre insatisfaction permanente qui vous pousse à retravailler un tour ou un effet).
    Merci et bonne journée ! 🙂

  2. Non..non Merci à toi Dominique, de nous rendre plus sensible ,plus perméable à l’art magique…y’a encore des trucs comme tu dis que je ne saisis pas…je comprends les mots mais pas les phrases lol….mais ça vient doucement, le brouillard s’éclaircit et c’est BEAU!…J’adorerais mettre ta tête dans un PET -scan..(Positron Emission Tomographie…Oui MOI AUSSI je sais dire des gros mots!)…c’est un scanner qui donne des images FONCTIONNELLES et non pas seulement ANATOMIQUES….ça devrait s’allumer comme un sapin de Noël la dedans..LOL!!!
    Amitiés et bonne semaine à tous!
    Cavaflar

  3. Merci beaucoup pour ta réponse 🙂 Excuse moi de ce tardif remerciement je n’ai pu repasser en ces contrés passionnantes ces derniers temps à mon grand regret, côté positif, j’ai eu un paquet de lecture à faire d’un coup d’un seul 🙂
    Tes réponses comme d’habitude m’ont grandement éclairées et ouvrent pléthore de nouvelles pistes fascinantes 🙂
    De rien pour la question concernant le moment où tu considères qu’une des routines de ton crû est prête (je suis très touché que tu me remercie 😉 ). C’est une question qui me touche beaucoup parce que je n’ose jamais présenter mes petites et modestes idées… Je les travaille, elle me plaise, mais dès que je suis prêt à les réaliser je bloque… Je les trouve finalement mauvaises… C’est très handicapant… J’ai peur que cela ne marche pas. Les adaptations pas de problème, mais les « créations » (si on peut les appeler modestement ainsi) je n’en suis jamais satisfait même si ma douce moitié aime (ma première spectatrice 😉 ). Qu’en penses-tu ?
    En espérant encore une fois ne pas t’importuner… Je te remercie encore beaucoup beaucoup beaucoup pour tout 🙂
    @+

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